Le nom du torpilleur Siroco, de la classe Bourrasque, était inscrit sur la proie arrière du navire, avec un seul "c". C'est ce nom de baptême, avec cette orthographe, qui figurait sur le bonnet des marins du navire. De nombreux actes de décès ou de transcriptions de décès porte "Sirocco" par erreur. © Collection et colorisation Manuel Rispal.
Lors de l'opération Dynamo, qui visait notamment à évacuer le maximum de militaires français et anglais massés à Dunkerque et aux alentours vers l'Angleterre, le torpilleur français Siroco a embarqué, en plus de son équipage, des centaines de soldats de différentes unités.
Malgré les quatre-vingt-cinq ans qui nous séparent de ce drame, tant pour la marine et l'armée françaises que pour les familles de marins et de soldats, malgré les ouvrages et publications qui l'ont relaté, nous avons été intrigué par les nombreuses erreurs ou omissions qui ne permettent pas aux familles, encore aujourd'hui, de faire le deuil, d'avoir des certitudes que le parent disparu était bien sur le Siroco, ou tout simplement de découvrir qu'il y était à bord avant de périr noyé dans le navire ou hors du navire.
Depuis plusieurs mois, nous nous employons à essayer d'identifier les 660 victimes. La tâche est ardue car tous les actes de naissance, de mariage, de décès ne sont pas accessibles en ligne. Quand ils le sont, ils sont généralement issus des registres du greffe du tribunal, dont la rédaction (mentions en marge) diffère bien souvent de celle des registres de la commune.
L'autre difficulté réside dans le fait que les actes de décès des marins et des soldats disparus ont été dressés par deux canaux : jugement déclaratif du décès par un tribunal civil (principalement dans les années 1942-1960) ou acte de décès dressé par un officier d'état civil du ministère (ou de secrétariat d'Etat) aux Anciens combattants et victimes de guerre. Ces derniers avaient une meilleure connaissance globale du drame et des unités dans lesquelles les soldats étaient engagés et ils pouvaient déclarer le soldat "Mort pour la France".
Pour compliquer le tout, l'acte de décès est transmis pour transcription à la commune du dernier domicile connu. Prenons le cas d'un soldat de milieu rural, né dans la commune où il vit avec ses parents, cultivateurs, dans une ferme du Massif central. L'acte de décès devrait en principe être transmis à cette commune. Et il est souvent transcrit, en 1946-1947. Le nom du soldat figure généralement sur le monument aux morts de la commune.
Mais beaucoup de ces soldats se sont mariés, ont trouvé du travail hors de la commune, résidaient ailleurs quand ils ont été mobilisés ou remobilisés, en 1939 ou 1940. Il faut alors trouver ce lieu, par différents recoupements qui compliquent la tâche. Cette dernière n'est pas insurmontable. Sur les 660 victimes, il nous reste quatre-vingt-dix à identifier.
Dès que l'enquête et la rédaction seront les plus abouties possible, nous la publierons et l'éditerons.
Et nous pourrons ainsi rendre hommage :
aux marins du torpilleur Siroco ;
aux centaines d'artilleurs majoritairement du Massif central (mais aussi de toute la France) ;
aux onze militaires du 92e régiment d'infanterie chargés de la garde du drapeau, et qui ont péri avec l'emblématique drapeau qui a été remplacé par un offert au régiment par le général de Gaulle, au printemps 1945, régiment qu'a commandé, à la Libération, notre ami Stéphane Luc-Belmont ;
aux soldats du génie ;
aux télégraphistes militaires ;
aux soldats du train ;
aux soldats isolés de leur régiment qui ont embarqué sur le navire.
Le 30 mai, jour où ils ont embarqué, il régnait un relatif chaos lié à la pression allemande par terre, mer et air. Mais l'armée française a organisé l'embarquement par régiment, dans une logique qui nous facilite grandement la tâche. Par exemple, s'il manque des précisions sur un artilleur du 16e RAD (régiment d'artillerie divisionnaire) déclaré mort le 30 mai 1940, nous creusons cette piste en sachant qu'il ne pouvait se trouver victime du naufrage du torpilleur Bourrasque, qui a sombré le 30 mai, car aucun artilleur de ce régiment n'y avait embarqué. Le Siroco ayant coulé entre 1 heure et 2 heures du matin, le 31 mai, la date déclarée du décès le 30 mai est erronée et constitue une des nombreuses anomalies résultant de la méconnaissance du drame dans sa globalité par le rédacteur de l’acte de décès.
© Manuel Rispal. 31 mai 2025.